La difficulté à mettre en place un cadre juridique commun
Pour assurer une cohérence et une protection effective, le cadre juridique régissant la matière doit être le plus global possible. Or, aujourd’hui la circulation routière n’est pas régie par l’Union européenne. Par ailleurs, les matières connexes touchées par le développement des véhicules autonomes, comme les données individuelles, nécessitent de nouvelles adaptations propres à ce volet. Ainsi de nombreux chantiers semblent devoir être entrepris.
Concernant le trafic routier, bien que le droit de l’Union n’intervienne pas, le droit international est venu poser certaines règles. Les textes internationaux de référence sont la Convention de Paris du 24 avril 1926 et la Convention de Vienne du 8 novembre 1968, complétée par celle de Genève de 1971. Ces textes, et spécifiquement la Convention de Vienne, apparaissent aujourd’hui incompatibles avec la conduite sans chauffeur prévoyant que : « Tout véhicule en mouvement ou tout ensemble de véhicules en mouvement doit avoir un chauffeur ». Des groupes de travail ont été mis en place au sein de la commission économique pour l’Europe des Nations Unies sur le thème des véhicules autonomes (WP.1 et WP 29), afin notamment d’adapter la convention de Vienne. Néanmoins légiférer à plusieurs est toujours plus compliqué que seul, ce qui conduit les Etats liés par cette Convention dont la France à prendre du retard en la matière. Ce retard est d’autant plus flagrant que des Etats comme les Etats-Unis, non liés, ont pris une avance juridique considérable, avec notamment l’adoption du Self Drive Act permettant la circulation à titre expérimental de 100 000 véhicules sur toutes les voies des Etats Unis, en réduisant la compétence des autorités locales.
A cette difficulté pratique s’ajoute une difficulté d’ordre moral en cas de situation extrême. En effet, le rapport soulève la question de qui devra être « sacrifié » par un véhicule sans chauffeur, et de l’importance de légiférer sur ce point sous peine de créer une lacune juridique majeure. Dans cette hypothèse : faut-il prendre en compte le respect du code de la route par l’une des victimes ? L’âge ? Le sexe ? Le risque d’être sacrifié par une intelligence artificielle embarquée peut dissuader les acheteurs, d’autant plus que l’action choisie par celle-ci a un caractère systématique. Cela explique que le rapport insiste sur la nécessité d’intervenir législativement sur ce point.
Outre le volet juridique du trafic routier, le développement des véhicules sans chauffeur touchera d’autres matières dont :
- La responsabilité civile et la question de l’indemnisation
- La préservation de la vie privée et la protection des données personnelles. Bien que modifiées par le RGPD, les dispositions s’appliquant à la protection des données personnelles ne concernent aujourd’hui que les personnes vivantes. Cela étant, la CNIL s’est déjà penchée sur le sujet en publiant le 17 octobre 2017 un « pack de conformité » : Véhicules connectés et données personnelles ». Ainsi, la réflexion est engagée.
De ces éléments, développés par le rapport, ressortent de nombreux défis. Néanmoins, afin de permettre l’adaptation de nos législations au développement des véhicules autonomes, des initiatives européennes sont présentes. En effet, l’Union européenne joue un rôle majeur afin d’éclairer la réflexion des parties prenantes, essayer de rapprocher les stratégies parfois différentes entre les Etats membres, et contribuer à l’émergence d’une orientation industrielle commune.