11 avril 2018

Intelligence artificielle : réflexions sur son impact, notamment dans le secteur du transport ?

 

Deux rapports publiés le même jour s’intéressent à l’intelligence artificielle (IA). Le premier, porté par le député Cédric Villani, analyse les enjeux de l’intelligence artificielle au niveau économique, social, environnemental et éthique. Le second, de France Stratégie, étudie les impacts de l’intelligence artificielle sur le travail et notamment dans le monde du transport. Ces rapports s’inscrivent dans un contexte de développement de l’IA, où la France bien que disposant de nombreux atouts pour exister sur la scène internationale, peine à s’imposer face aux pays leader : Etats-Unis, Chine, et dans une moindre mesure Royaume-Uni, Canada et Israël. Afin d’y remédier, ces rapports insistent sur l’importance de saisir les enjeux entourant la matière et de se faire une place sur la scène mondiale.

Retour sur les apports de ces rapports sous l’angle du secteur du transport.

Les points clés du rapport Villani

Cédric Villani dans son rapport mène une réflexion générale sur l’IA. En effet, celui-ci se penche sur différentes facettes, dont celle de la politique économique, de la recherche, de l’emploi, de l’éthique, et de la cohésion sociale, tout en insistant sur le fait que les actions proposées n’ont de sens que si elles sont prises ensemble. Pour lui, la France et l’Europe doivent inventer un modèle spécifique, dont le point de départ devrait être les données, et leur mutualisation. Il insiste également sur l’importance de renforcer la visibilité des acteurs qui font l’IA, notamment dans le domaine de la recherche, et sur le rôle de l’Etat qui doit devenir un moteur des transformations et porter les évolutions en la matière. Le rapport préconise de ne pas agir sur tous les fronts, mais d’avoir une approche stratégique en ciblant quatre secteurs prioritaires que sont : la santé, l’environnement, les transports-mobilités et la défense-sécurité. Ces secteurs comme l’indique le rapport : « représentent un défi majeur du point de vue de l’intérêt général, (car) tous requièrent une impulsion importante de l’État et tous sont susceptibles de cristalliser l’intérêt et l’implication continue des acteurs publics et privés. ». Ces secteurs bien que permettant de faire l’IA, dépassent ce simple sujet, ce qui les rend  primordiaux.

En ce qui concerne le domaine du transport, ce rapport, comme le second, insiste sur son rôle crucial. Ce secteur clé en France et dans l’Union Européenne se trouve au cœur des promesses de l’IA, qui doit permettre : « l’optimisation des flux logistiques par exemple dans le cadre de la distribution et du e-commerce, la décongestion des ports, ou encore le renforcement de la sécurité, des services de fret et du transport de personnes ». Cependant, dans ce secteur, c’est surtout autour du développement du véhicule autonome, des modes de transports durables, et de l’interconnexion de nouvelles solutions de mobilité que se concentrent les technologies. Afin de développer ces domaines, il est insisté sur l’importance de l’Union Européenne et des coopérations entre pays, notamment en ce qui concerne le financement de la recherche, mais également le développement de nouveaux produits et services via des plateformes de mutualisation européennes.

Le volet juridique est également abordé. Celui-ci est abordé, via son volet transports et données personnelles, mais également en ce qui concerne les conditions de travail. Concernant le volet transport, il est proposé une adaptation du code de la route par anticipation pour autoriser dès 2022, des fonctions d’autonomie de niveau 3 (c’est à dire que le conducteur ne surveille pas le système, mais est prêt à prendre le contrôle si nécessaire). Cette démarche apparaît importante pour envoyer un signal positif, et motiver la recherche et l’industrie, mais également pour sensibiliser l’opinion publique, et lui faire prendre conscience des enjeux inhérents à l’intelligence artificielle.

Il convient également d’indiquer que le cadre général établi par le RGPD ne s’oppose pas au développement dans ce secteur. Ainsi, à l’instar de ce qui est fait aux Etats Unis, le rapport préconise d’ouvrir les données de transport et de mobilité pour soutenir le développement des acteurs dans la planification de l’exploitation des transports. À ce titre, il est insisté sur la nécessité d’accélérer la mise en place du règlement du 31 mai 2017, complétant la directive 2010/40/UE du Parlement européen et du Conseil sur la mise à disposition dans l’ensemble de l’Union, de services d’informations sur les déplacements multimodaux. Cette politique d’ouverture devra être accompagnée d’une réflexion sur la protection des données.

Enfin, en ce qui concerne la législation encadrant les conditions de travail, le rapport Villani regrette que celle-ci omette de prendre en compte le développement des technologies, et reste trop rigide. Afin d’y remédier le rapport préconise de redéfinir le cadre législatif des conditions de travail, et de miser sur le dialogue social afin d’anticiper les conséquences de l’IA sur les métiers. Pour cela, il est proposé d’intégrer  le thème de la transformation numérique de l’entreprise dans les négociations annuelles obligatoires, et de promouvoir la réflexion sur les nouvelles technologies et la complémentarité machine-humain.

Outre ce rapport, le rapport de France Stratégie aborde également le thème de l’IA, et plus précisément son impact sur le monde du transport.

Les apports du rapport de France Stratégie sur : « Intelligence artificielle et travail »

France Stratégie s’est vue confier la mission d’analyser les enjeux de l’intelligence artificielle au niveau économique, social, environnemental et éthique », et plus particulièrement son impact sur le travail. La question centrale de ce rapport  est de savoir si l’intelligence artificielle est une rupture technologique qui va avoir des répercussions importantes, ou la continuité des transformations numériques à l’œuvre. Pour ce faire, différents secteurs ont été étudiés dont celui des transports

En la matière le rapport indique que l’impact de l’IA  dans le transport touchera différents domaines dont :

  • Les véhicules autonomes (dans ce domaine des incertitudes persistent cependant sur le calendrier de déploiement) ;
  • La maintenance des équipements et des chaînes de production(En effet, la maintenance prédictive est un enjeu pour l’ensemble des exploitants de réseau et de véhicules, afin d’optimiser l’exploitation et limiter les immobilisations, tout en réduisant les coûts d’entretien) ;
  • La logistique et l’optimisation des flux. En cas de crise l’IA peut permettre d’optimiser la logistique, cependant cela nécessite que l’IA dispose de données en temps réel, sur un ensemble large de paramètres.

Ces applications atteindront un niveau de maturité pour France Stratégie d’ici 5 à 10 ans. Face à ce constat le rapport se penche sur l’impact de ce développement sur les métiers du transport. Bien que les perspectives varient selon les domaines d’activités et qu’un seul scénario ne puisse s’appliquer, des évolutions possibles ressortent de ce rapport dont :

  • Le développement de nouvelles activités liées à la supervision à distance des flottes de véhicules
  • Le risque de « tripolarisation » des emplois des transports publics
  • Le développement d’une nouvelle organisation de travail pour le personnel de maintenance
  • La nécessaire montée en compétence et en autonomie des travailleurs

En définitive, le développement de l’intelligence artificielle s’inscrit dans le phénomène plus large de la transition numérique. Son développement va conduire à une transformation des tâches, mais également à repenser les organisations de travail. L’IA favorisera la diffusion d’innovations et améliorera la qualité des services à destination des clients, tout en conduisant à renforcer les compétences transversales. Pour répondre aux différents enjeux de l’IA dans le monde du travail, le rapport identifie trois axes d’action dont : conduire à l’échelle de la branche ou de la filière des travaux de prospective sur le potentiel de l’IA, assurer la formation des travailleurs aux enjeux de demain, et renforcer les dispositifs de sécurisation pour les secteurs ou sous-secteurs qui seraient fortement impactés par le risque d’automatisation.

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