8 avril 2019

Indemnisation des salariés exposés à l’amiante : revirement de la Cour de cassation

Par un arrêt en date du 5 avril 2019, la Cour de cassation, en son Assemblée plénière opère un revirement de jurisprudence en ce qui concerne l’indemnisation des salariés exposés à l’amiante. Nous vous proposons par cet article de revenir sur cet arrêt de la Haute juridiction de l’ordre judiciaire.

Contexte général

Depuis la loi du 23 décembre 1998, les travailleurs particulièrement exposés à l’amiante, sans être atteints d’une maladie professionnelle, ont la possibilité de partir de manière anticipée à la retraite. En effet, l’article 41 de cette loi dispose qu’une : « allocation de cessation anticipée d’activité est versée aux salariés et anciens salariés des établissements de fabrication de matériaux contenant de l’amiante, des établissements de flocage et de calorifugeage à l’amiante ou de construction et de réparation navales, sous réserve qu’ils cessent toute activité professionnelle, lorsqu’ils remplissent les conditions suivantes ».

Sur la base de cet article, la chambre sociale de la Cour de cassation, a admis en 2010, que les salariés ayant travaillé dans un des établissements mentionnés ci-dessus, peuvent demander réparation du préjudice d’anxiété constitué par l’inquiétude générée par le risque de déclaration à tout moment d’une maladie liée à l’amiante. Cependant, les salariés n’entrant pas dans le champ de l’article 41 de cette loi, ne peuvent bénéficier de la réparation du préjudice d’anxiété, même sur le fondement d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, comme en témoigne l’arrêt de la chambre sociale du 21 septembre 2017 (pourvoi n° 16-15.130).

Cette exclusion a été critiquée, notamment au regard de l’importance du nombre de salariés, n’entrant pas dans le champ d’application de l’article 41 de la loi de 1998, ayant été exposés à l’inhalation de poussières d’amiante de nature à compromettre gravement leur santé. Face à cette situation, l’assemblée plénière de la Cour de cassation, c’est à dire sa formation la plus solennelle, a été saisie pour réexaminer cette question.

Le revirement opéré par la Cour de cassation dans l’arrêt du 5 avril 2019

Dans cet arrêt de l’Assemblée plénière de la Cour de cassation un revirement de jurisprudence est opéré.

En l’espèce, un employé d’EDF a été exposé à l’inhalation de fibres d’amiante durant son activité professionnelle. Il a saisi le conseil des prud’hommes de Paris afin d’obtenir la condamnation de son employeur au versement de dommages et intérêts au titre de son préjudice d’anxiété et pour manquement à son obligation de sécurité de résultat. Le conseil des prud’hommes l’a débouté de ses demandes, ce qui l’a conduit à interjeter appel. La cour d’appel a infirmé le jugement du conseil des prud’hommes, et a condamné l’employeur à verser à l’appelant la somme de 10 000 euros. Elle a retenu que “si, au nom d’un statut social dérogatoire, réservé par la loi à certains salariés, est admis pour ceux-ci un droit à voir indemniser « leur préjudice d’anxiété » dans des conditions également dérogatoires – au regard du caractère systématique de l’indemnisation de ce préjudice qui décharge les salariés concernés du fardeau de toute preuve – les dispositions et le régime général de la responsabilité demeurent, en effet, applicables aux salariés exposés à l’amiante, travaillant pour des entreprises « non listées »”.  L’entreprise EDF s’est alors pourvue en cassation.

La Cour de cassation a été saisie le 28 mai 2018. Par une ordonnance du 17 décembre 2018, le premier président de la Cour de cassation a renvoyé l’examen du pourvoi devant l’Assemblée plénière.

La Cour de cassation comme l’indique le rapport du conseiller devait répondre à la question suivante : un salarié travaillant au contact de l’amiante, dans un établissement n’étant pas inscrit sur la liste des établissements mentionnés à l’article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998, peut-il obtenir réparation d’un préjudice moral ou d’anxiété lié au risque de développer une maladie professionnelle et dans quelles conditions ?

En l’espèce, la Cour de cassation, sans revenir sur le régime applicable aux travailleurs relevant de l’article 41 de la loi de 1998, reconnaît la possibilité pour un salarié justifiant d’une exposition à l’amiante, générant un risque de développer une pathologie grave, d’agir contre son employeur, sur le fondement des règles de droit commun régissant l’obligation de sécurité de l’employeur, quand bien même il n’aurait pas travaillé dans l’un des établissements mentionnés à l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée. 

Elle ajoute que ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017.Cette position est la même que celle retenue par la jurisprudence Air France de la chambre sociale du 25 novembre 2015. Ainsi, il appartient aux juges du fond, dans l’exercice de leur pouvoir souverain, d’apprécier les éléments de fait et de preuve qui leur sont soumis, d’évaluer le comportement de l’employeur, et la pertinence des moyens de prévention et de sécurité prises. En l’espèce, la cour d’appel n’a pas examiné les éléments de preuve produits par l’employeur, par conséquent sa position est censurée.

Enfin, l’Assemblée plénière rappelle que le préjudice d’anxiété doit être suffisamment caractérisé. En effet, conformément aux règles de droit commun de la responsabilité civile, les juges du fond doivent caractériser le préjudice personnellement subi par le salarié.

Au regard de ces éléments, la Cour casse et annule l’arrêt de la cour d’appel de Paris.

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